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  • Photo du rédacteurFernando Silva

Les traductions ne se font pas toutes seules

Dernière mise à jour : 30 avr.

Depuis un texte de Nadia Khomami, correspondante pour les Arts et la Culture au journal The Guardian




La traduction est un art : pourquoi les traducteurs se battent-ils pour être reconnus ?


Comme tout auteur, les traducteurs veulent que leur travail soit reconnu et non traité à la légère.

"Les traductions ne se font pas toutes seules", déclare Shaun Whiteside, ancien président du Conseil européen des associations de traducteurs littéraires.


Ils ont souvent été négligés dans le processus artistique et littéraire, mais les traducteurs affirment depuis longtemps qu'ils ont le pouvoir de tout changer.


On raconte que des mythes sont nés, que des sociétés se sont forgées et que des villes ont été anéanties par un simple glissement de plume, comme l'erreur de traduction qui aurait conduit les États-Unis à décider de larguer la bombe atomique sur Hiroshima, ou la spéculation sur la vie sur Mars  à la suite d'une traduction erronée d'un astronome italien.


Richard Mansell, maître de conférences en traduction à l'université d'Exeter, souligne l'importance d'études approfondies dans le monde littéraire portant sur l'analyse des nombreuses traductions de Dostoïevski, Tchekhov, Tolstoï et Gogol par Constance Garnett, ainsi que des traductions de Thomas Mann par Helen Lowe-Porter.


Cependant, de nombreux exemples montrent également que la traduction nous apporte beaucoup. Pensez à l'histoire du sonnet en anglais, améliorée par les premières traductions de Pétrarque. Ou encore, songez aux centaines d'expressions anglaises issues de la Bible du Roi Jacques (King James Version en anglais).


En juillet 2023, l'activité des traducteurs a été mise en avant lorsque l'écrivaine Yilin Wang a révélé n'avoir reçu ni crédit, ni remboursement pour ses traductions des œuvres de Qiu Jin dans le cadre de l'exposition Le siècle caché de la Chine (China's Hidden Century) au British Museum.


Depuis, le musée a admis une "erreur humaine involontaire", retiré les parties de l'exposition en question et offert à M. Wang un versement de 150 livres sterling pour la période pendant laquelle ses traductions ont été exposées.


Cependant, pour Wang, traductrice, poète et éditrice résidant à Vancouver, les excuses du musée semblent peu sincères. S'exprimant au Guardian, elle a affirmé que le retrait de ses traductions ressemblait à une "mesure de représailles" et a demandé au British Museum de clarifier son protocole de demande d'autorisation de droits d'auteur ainsi que d'expliquer en détail ce qui n'avait pas fonctionné.


Mme Wang a souligné l'importance capitale de respecter le travail des traducteurs, souvent relégués à l'arrière-plan dans le domaine de l'édition et dans le monde universitaire. Elle a constaté que les éditeurs omettent fréquemment de mentionner le nom des traducteurs sur les couvertures, que les critiques littéraires oublient de les citer, et que cette situation se perpétue.


Elle a également ajouté : "La traduction est un art qui demande autant de temps que la création d'un poème original en anglais. J'effectue des recherches approfondies sur le poète, son époque et les formes littéraires employées, puis je cherche des moyens créatifs de restituer l'essence de son œuvre en anglais. La poésie chinoise classique comporte de nombreux idiomes culturels, une diction archaïque ainsi qu'une grammaire et des structures syntaxiques totalement différentes de celles de l'anglais."


La lutte pour la reconnaissance des traducteurs dure depuis longtemps, la traductrice Jennifer Croft, lauréate du Booker Prize, affirmant même qu'elle cesserait de traduire des livres si son nom n'apparaissait pas sur la couverture. "Ce n'est pas seulement un manque de respect envers moi, mais également un déservice envers le lecteur, qui devrait savoir qui a choisi les mots qu'il s'apprête à lire", a-t-elle déclaré.


Ce sentiment s'est métamorphosé en une campagne qui a mené Pan Macmillan (l'un des plus importants éditeurs de livres grand public au Royaume-Uni) à s'engager à mentionner le nom du traducteur sur les couvertures des livres.


"Il reste cependant encore un long chemin à parcourir", a déclaré M. Mansell. "Bien entendu, les traducteurs partagent de nombreux traits avec les autres écrivains, mais ils possèdent également d'autres compétences."



Shaun Whiteside, ancien président du Conseil européen des associations de traducteurs littéraires, a déclaré que l'incident survenu au British Museum était "un terrible exemple de traducteur ignoré ou traité comme une sorte de cinquième roue du carrosse, ce qui a été aggravé par le retrait de l'œuvre de Wang de l'exposition.


"Comme nous le savons, même aujourd'hui, les traducteurs ne sont souvent omis dans les critiques et même dans les catalogues des éditeurs. Les traductions ne se font pas toutes seules et les traducteurs, comme tous les auteurs, ont droit à des droits d'auteur, des redevances, ainsi qu'à une reconnaissance et une rémunération appropriées."


Rebecca DeWald, coprésidente de l'Association des traducteurs, a exprimé son plaidoyer en faveur de la visibilité des traducteurs en affirmant que "on ne peut pas comprendre ce que l'on ne voit pas".


"Si vous ignorez qu'un livre a été traduit par un être humain, vous sous-estimez totalement le processus de réflexion et le travail considérable qu'il a fallu déployer pour produire le texte traduit", a-t-elle affirmé.


Selon Mme DeWald, le débat concernant l'IA dans la traduction illustre parfaitement ce malentendu. "Les langues ne sont pas directement liées les unes aux autres par des équivalences univoques, même les plus proches, et elles ne peuvent donc pas être simplement représentées dans un tableau où « x » dans une langue équivaut à « y » dans une autre."


Sara Crofts, directrice générale de l'Institute of Translation and Interpreting (principale association professionnelle de traducteurs et d'interprètes au Royaume-Uni), a souligné que les traducteurs jouent un rôle essentiel en établissant des ponts entre les nations et les cultures.



"Pourtant, leur travail est très souvent sous-estimé et invisible. Une traduction réussie se caractérise par le fait que le lecteur n'a pas conscience qu'il s'agit d'une traduction, ce qui confère par définition un aspect invisible au travail des traducteurs.

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